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Autisme, à qui profite la grogne ?

dimanche 27 octobre 2019, par le Collectif de praticiens auprès d’autistes

Autisme, à qui profite la grogne ?

par Olivier Brisson.

La sortie du film Hors Normes sur les ’cas complexes’ en autisme est l’occasion d’aborder la délicate question de l’accueil des personnes s’inscrivant dans le monde de façon atypique. Est-il suffisant de répondre à la relégation officieuse des autistes par l’inclusion péremptoire dans les espaces de socialisation, de l’école au travail, sous la condition de la normalisation ?

Ils en ont fait un film

Il y a quelques jours sortait en salles le film Hors Normes d’Eric Tolédano et Olivier Nakache. Le long métrage traite, avec les outils de la comédie populaire, de la réalité de deux associations, Le Silence des Justes et Le Relais, qui accueillent des jeunes à l’autisme considéré comme sévère, pris dans ce que l’on nomme des situations complexes. Les réalisateurs ont longuement côtoyés ces lieux d’accueil, leur directeurs et leurs résidents. Il y a quatre ans déjà, pour une carte blanche proposée par Canal+, ils tournaient un documentaire de 26 minutes sur le même sujet qu’ils intitulaient à l’époque Il faudrait en faire un film (1). Ils se sont investis dans le réseau qui s’est constitué entre les institutions, d’autres associations, les familles et les jeunes. C’est ainsi qu’ils ont effectué le casting des acteurs du films, adhérents ou usagers des structures comme L’ESAT culturel Turbulences ou l’équipe du journal atypique Le Papotin. Nakache et Toledano, naviguant dans le cercle très restreint des réalisateurs particulièrement ’bankables’ depuis le succès d’Intouchables, s’attaquent à un sujet brulant déchaînant les passions et réussissent l’exploit d’éviter les deux prismes habituels pour parler d’autisme : celui de la figure étrange et surdouée d’un Asperger ou de l’enfermement coercitif du jeune sans défense en psychiatrie asilaire. Ils préfèrent à cela présenter le quotidien réaliste d’un collectif de personnes qui s’échinent à faire de leur mieux pour que des personnes plongées dans des impasses de prises en charge aussi bien professionnelles que familiales puissent retrouver de meilleurs appuis en apportant un accompagnement resserré le temps qu’il faudra. 

Si l’on devait faire une revue de presse du film, on pourrait assez honnêtement dire que le film bénéficie d’un très bon accueil, malgré quelques réticences dues le plus souvent à l’aspect grand public de l’objet. Mais quelques voix dissonnent et interrogent. Ces voix sont celles de quelques représentants d’associations de familles ou membres de ce courant qui prône une sortie absolue de l’autisme du champ institutionnel médical ou même médico-social. L’une d’elle, Olivia Cattan, présidente de SOS Autisme France, présente d’emblée le film, dès le titre de son billet de blog, comme : « une vision passéiste de l’autisme » (2). 

Cinéma ou propagande ?

Pour Olivia Cattan et sûrement pour d’autres, un bon film sur l’autisme est un film qui défend les ambitions de transformation politique et sociale de son combat, qui montre des enfants ou des adultes insérés et intégrés, par le monde du travail, celui de l’école, du sport etc. Un bon film sur l’autisme ça peut être une guimauve absolue tant qu’à la fin, le temps au moins de la sortie du cinéma ou des publicités qui lui succèdent, on se dise qu’elle était belle cette histoire et qu’on s’est sûrement trompé toutes ces années sur notre façon d’envisager l’autisme. C’est tellement simple qu’un bon film sur l’autisme peut être joué par un jeune normotypique dans le rôle d’un jeune asperger, comme s’il n’était pas possible de demander à une personne concernée d’endosser le rôle (3). Ça aurait probablement nécessité quelques aménagements dans la réalisation, mais ç’aurait été la moindre des choses. Quand on défend la place des autistes dans la cité, on commence par refuser qu’ils soient représentés quasi constamment par les non-autistes. Parce qu’il y a quelque chose du ’blackface’ là-dedans (4). Encore et toujours, on parle et on fait à leur place, on les décrit, on les représente, on sait au fond ce dont ils ont besoin. 

L’autisme est né en psychiatrie

Il est flagrant de voir combien l’histoire se répète et les pratiques se ressemblent. Pendant le premier demi-siècle qui suivit la création catégorielle de l’autisme (5), le monde professionnel concerné par l’accueil des sujets étiquetés autistes était celui de la psychiatrie, il portait donc un regard orienté sur les particularités comportementales, y cherchant du fait de son bagage, une étiologique psychique et/ou psychogénétique. On n’y voyait que souffrance, maladie, enfermement, crises etc. Peut-être simplement parce que c’était et c’est encore l’objet du travail de ces professionnels. Enlevez la souffrance et il n’y a plus de soins à prodiguer. Ça n’est pas par malveillance originelle, ou par jouissance de viser les mères en les bombardant frigidaires que la pédopsychiatrie a réduit les enfants autistes à leurs seuls retards ou déficits, c’est le fait de son identité et de son époque. Allons-même jusqu’à dire que cette affaire de troubles des interactions précoces (qu’on ne nie pas aujourd’hui mais dont on lit le mécanisme d’inscription dans le sens inverse) qui effectivement mettait une certaine responsabilité des troubles sur l’accueil du petit dans son environnement, était une façon de reconnaître aux enfants une intelligence différente de celle des enfants aux limitations intellectuelles biologiques, aux « débiles mentaux » de l’époque pour être plus clair. On retrouve, bien qu’en se trompant de cible à de nombreuses reprises, l’envie, dans l’histoire de l’accompagnement des enfants au développement psychologique hors norme, de les prendre toujours davantage au sérieux. Dans les années 50, les recherches en neurologie n’étaient quand même pas exactement les même qu’aujourd’hui et les classifications se faisaient donc principalement à l’observation des signes visibles. Or, on ne peut nier que certains des signes que l’on retrouve régulièrement dans le champ de l’autisme infantile se retrouvent aussi chez des enfants ayant été exposés à des carences affectives et éducatives importantes (ce qui, par conséquent, fait que ce ne sont pas ceux qui permettent désormais un diagnostic spécifique). On peut comprendre, sans le soutenir, le raccourci fait à l’époque. 

Le pouvoir psychiatrique et les grands oubliés

Le problème arrive dans la foulée, quand la médecine se charge d’une pathologie, elle sait ce qui est bon pour la traiter. Il ne s’agit même pas là de savoir l’influence de la psychanalyse dans l’affaire, mais de voir combien la médecine assoit son savoir. Combien la médecine en tant justement que porteuse du savoir impose son pouvoir. Alors, qu’à l’époque, les médecins psychiatres s’occupant des enfants autistes aient lu un ou deux ouvrages de Freud ou écouté Dolto à la radio en feuilletant la Forteresse Vide n’est pas le plus important, parce que je crois bien que l’orientation théorique des uns et des autres est loin d’être le problème, le vrai souci, c’est qu’ils s’y appuyaient pour imposer leurs vues. Et derrière cela, c’est tout l’enchaînement du pouvoir psychiatrique qui se met en branle. « Faites ce que l’on vous dit ou on place vos enfants  » pour le faire en raccourci. Un raccourci pas aussi caricatural qu’on aimerait qu’il le soit. Ça se traduit par des orientations imposées en centre ou en institutions, en allocations refusées, en médication non-discutée, en internat pour des enfants d’âge primaire etc. 

Durant toute cette longue période, une parole est bâillonnée, celle des intéressés et de leurs proches. La violence des discours d’un grand nombre d’associations de parents à l’endroit de la psychanalyse et de la psychiatrie est a priori à la hauteur du silence qui leur a été imposé durant toutes ces années. Mais pendant toutes ces années aussi, un très grand nombre de personnes, celles qui existaient derrière leur blouse d’infirmiers, d’éducateurs, et même de médecins quand la clinique les touchaient, s’activaient à ce que les jeunes autistes accueillis dans quelque lieu que ce soit puissent avoir une existence épanouie à la hauteur de leurs compétences et/ou appétences, en cherchant et en inventant ce qui, au cas par cas, pouvait soutenir leurs goûts et intérêts pour s’inscrire toujours davantage dans les apprentissages et le savoir, dans la vie en somme.

Toutes celles et ceux qui ont offert leur énergie à tenter d’animer l’élan des jeunes en repli relationnel se font aujourd’hui rabaisser au rang de collabos d’une institution inhumaine et maltraitante. Pour le coup, la caricature frise là le ridicule et la diffamation. Allez dire à ces éducateurs qui faisaient leur maximum pour participer à la vie sociale et culturelle qu’ils « enfermaient les malades » alors que, jour et nuits pour certain(e)s, c’était leur combat quotidien. 

Restaient cependant ces voix inaudibles des familles et des autistes eux-même, qui ont du se fédérer pour se faire entendre, s’associer pour qu’enfin leur parole aient du poids. Et dans le vacarme ambiant, pour être entendu il faut parfois crier fort, dont acte. Chose salutaire assurément pour remuer dans les brancards d’une médecine psychiatrique fatiguée, en manque cruel de curiosité et de remise en question des théories faisant office de lignes directrices orientant la pratique. Ces lignes s’étant appauvries jusque dans les formations professionnelles dont celle des infirmiers qui ont vu leur formation spécifique d’infirmier psychiatrique disparaître au profit d’une formation généraliste n’offrant que peu de cas des enseignements psychiatriques, qui avaient malgré tout l’intérêt d’essayer de comprendre les phénomènes atypiques. 

Le basculement du thérapeutique au pédagogique

Mais ces voix qui voulaient se faire entendre dans leur singularité pour qu’enfin on ne parle plus à leur place se sont fait à leur tour étouffer par un discours généralisant les problématiques, et déplaçant la question dans le champ de l’éducation et du pédagogique sans se soucier des conséquences au cas par cas. 

On est passé du tous à l’hôpital au tous à l’école. Le problème n’étant ni l’hôpital en soi, ni l’école au demeurant, mais celui du tous. Il y a une nuance entre défendre le droit à l’éducation pour tous et l’inclusion à l’école pour tous alors même que nous vivons une crise majeure du système éducatif qui a de moins en moins les moyens de jouer ses rôles d’éducation et de socialisation. La hausse significative dans le cursus ordinaire du recours à l’enseignement privé sous ou hors contrat sur la dernière décennie en dit quelque chose ( 26 % d’augmentation du nombre d’écoles hors contrat entre 2011 et 2014 selon les chiffres de l’éducation nationale) (6).

Une ’autre intelligence’ (7) mérite-t-elle une pédagogie spécifique ?

Il y a là un hiatus que nombre d’entre nous a du mal à comprendre. Comment défendre le respect et la prise en compte des particularités liées à un fonctionnement cognitif spécifique en cherchant à tout prix à le faire entrer dans le moule normatif du pour tous dans le temps même où partout dans la sphère sociale, il s’agit de prendre en compte la diversité. Affirmer haut et fort le droit à tout un chacun à l’éducation, c’est justement se donner les moyens d’offrir à tous les moyens pédagogiques adaptés et adaptables pour que le meilleur de chacun puisse advenir et qu’il puisse s’en saisir. 

L’inclusion scolaire dans le circuit ’ordinaire’ comme on le nomme, telle qu’elle est envisagée dans les dispositions actuelles et à venir, permettra à certains des enfants dont nous parlons de se faire une place qui leur conviendra et grand bien leur fasse, mais elle laissera encore sur le carreau celles et ceux pour lesquels ce cadre trop rigide de l’éducation nationale, avec ses évaluations dès la maternelle, ces rituels basés sur la socialisation normotypique et au fond pour être plus clair, aux programmes pédagogiques basés sur « le développement de l’enfant normal » comme il est décrit dans les manuels de psychopédagogie, ne sera pas supportable. 

Comment, quand on parle au nom des autistes, peut-on omettre tout ce qui a été découvert sur la spécificité du fonctionnement cognitif autistique ? On peut parler désormais de trajectoire développementale de l’enfant autiste comme on parlait de ’développement de l’enfant normal’, avec des âges d’intérêt et d’acquisitions qui ne sont pas le calque avec retard du développement ordinaire. L’enfant autiste n’entre pas dans le langage oral uniquement avec du retard, il y entre tout à fait différemment (et en l’occurrence beaucoup plus souvent qu’on ne pourrait le croire), et s’intéresse bien plus tôt aux signes, chiffres, lettres, logos que les autres par exemple (ce qui montre combien sont davantage au travail les mécanismes de repérage, de classification, de mémorisation, de sériation, etc.). Il est commun de dire que beaucoup d’autistes apprennent à lire avant de parler. Un autre sujet serait leurs intérêts restreints devenus intérêts spécifiques, longtemps considérés comme comportements envahissants, et qui, de plus en plus sont considérés comme un point d’appui crucial des enfants autistes pour nourrir leur appétit de savoir et d’acquisitions d’informations.

L’inclusion scolaire : démarche logique ou idéologique ?

Alors oui, peut-être qu’un grand nombre d’enfants autistes arriveront à s’adapter par observation et imitation des pairs au fonctionnement scolaire classique, mais force est de constater que c’est au prix de lourds efforts, de scolarisation le plus souvent à temps partiel voire très partiel, avec des AESH parfois parachutés là sans forcément de préparation ou d’indication sur les façons de faire et d’être des enfants. Et la vraie question reste celle-ci : que fait-on pour les enfants pour lesquels cette inclusion est trop violente ? On attaque l’institution, on écrit à l’académie, on accepte de n’emmener l’enfant qu’une heure trente par jour pour garder sa place en école ordinaire ? Ou on fait enfin le choix politique de soutenir la création de structures pédagogiques de qualité et au nombre de places cohérentes avec la réalité des besoins, respectueuses de l’agenda développemental spécifique de ces enfants tout en étant exigeantes quant aux savoirs à acquérir. 

Dans le Nord, nous voyons trop souvent des enfants aux capacités cognitives tout à fait singulières à leur âge mais parfois étrangement mobilisées comme le fait de connaître tous les drapeaux du monde en les nommant ou les dessinant ou d’avoir des capacités de calculs de niveaux collège, partir en école spécialisée en Belgique où les classes accueillent des enfants aux capacités d’apprentissages tout à fait hétérogènes, parce que même la moindre place en ULIS TED nécessite d’avoir une ’position d’élève’ à entendre comme : ’savoir rester assis le temps d’une tâche et écouter les consignes’. La faute à qui cette fois ? À la psychanalyse encore ? À la psychiatrie publique ? Ou plus généralement à la logique contemporaine absurde qui, au nom d’une supposée bienveillance pour tous, exclut toujours plus celui qui n’entre pas bien dans les cases ?

Il est tout de même tout à fait particulier de voir revenir les méthodes actives, les pédagogies nouvelles prônant la coopération, de confiance dans les ressources propres de chacun dans les discours sur l’école et l’éducation, jusqu’à voir les jeux Montessori déborder les étales des magasins et attendre des autistes qu’ils se plient aux intérêts et programmes imposés sous la simple et unique raison de la contrainte sociale de la classe et en mettant complètement au silence leurs ressources propres. L’inclusion telle qu’elle est proposée aujourd’hui ne fonctionne quasiment qu’à condition de perdre ou taire ses spécificités qui sont justement ce qui fait que Paul n’est pas Gilles. La véritable inclusion sociale aura lieu le jour où tout le monde pourra bénéficier d’un espace où les apprentissages offriront les outils nécessaires à une émancipation personnelle et une liberté d’exister avec son style, ses spécificités et même ses défauts.

Inclusion, insertion, pas sans permission de rester ce que l’on est

La très grande majorité des adultes autistes qui témoignent de leur expérience soulignent l’importance pour eux qu’ait été respecté l’investissement parfois envahissant de leur intérêt de prédilection, qu’il leur ai été donné le temps nécessaire à se familiariser avec le fonctionnement social environnant, et disent également combien la scolarisation n’est absolument pas une panacée et put être, pour celles et ceux qui en parlent, chargée de vécus de grande violence. 

On entend dans les propos de madame Cattan autour de la sortie du film Hors Normes l’écho de cette litanie que seule l’inclusion est le sujet qui compte et que l’on peut dès lors tout y ramener. On entend ainsi que ce film montrerait le résultat de ces pratiques archaïques de la psychiatrie d’arrière-garde avec ces jeunes adultes qui, enfants, n’ont pas eu la chance de cette inclusion, et que ces associations présentées dans le film ne font que pallier une situation qui ne devrait plus exister etc. A aucun moment on ne parle du film, de la qualité de l’accompagnement, de la particularité du dispositif au un par un, de la question de l’insertion aussi des accompagnants, des critiques potentielles à faire etc. 

Le film est un prétexte. Un prétexte pour encore une fois demander que soit imposé une vision des actions à mener dans le champ de l’autisme. Une vision idéaliste où les enfants autistes du simple fait de leur intégration au système scolaire ordinaire ne manifesteraient plus de difficultés comportementales. Difficultés surgissant pourtant le plus souvent dans les moments où d’ordinaire on les confronte à une demande sociale qu’ils ne comprennent pas ou qui ne fait pas sens pour eux. Tellement un prétexte qu’on se demande tout simplement si le film a été visionné...

Pendant que certains s’écharpent, le tissu se délite 

On peut comprendre bien sûr la véhémence de ces discours et de ces prises de position face au manque absolu de réactions des pouvoirs publics à mettre en place quelque dispositif que ce soit pour simplement permettre aux familles concernées de ne pas vivre les galères collatérales à cette situation (perte ou abandon d’emploi pour pallier la déscolarisation, coût financier exorbitant des prises en charge en libéral, liste d’attentes de plusieurs mois à plusieurs années des offres d’accompagnement remboursées…), mais il devient pénible de voir à quel point certains se trompent de colère et à qui cela profite. A force de concentrer les reproches et constituer une haine à l’endroit d’un secteur qui pendant longtemps fut le seul à s’occuper des autistes, enfants et plus grands - parce que cette condition ne se perd pas avec la puberté, au contraire pourrions-nous presque dire - on oublie de voir combien le drame absolu et criminel est celui du manque de moyen mis dans le nombre de places qui fait qu’aujourd’hui dans tous les lieux et structures, soit on sélectionne la clientèle, soit on crée des listes d’attentes effarantes, du manque de moyen dans l’embauche d’AESH et dans leur formation, dans la constitution en masse de dispositifs pédagogiques adapté en école ordinaire comme les UEMA ou les ULIS spécifiques, qui, là encore sont débordées de demandes, mais aussi dans les IME, les IMPRO, les hôpitaux quand le besoin le nécessite, les ESAT, et jusqu’aux foyers de vie, qui, si là encore les moyens étaient offerts et les pratiques valorisées, permettraient à celles et ceux qui n’ont pas pu trouver une place par le biais du travail pourraient pourtant tout de même avoir une vie pleine de projets plutôt qu’un ’projet de vie’ établi à l’année dans le meilleur des cas et qui vient établir l’agenda de leur existence réglée comme du papier à musique d’ascenseur. 

Tentons de ne pas reproduire les même erreurs

Oui, l’autisme traine toujours une réputation lourde qui mérite d’être au plus vite dépassée. Cela passe par la formation des uns et des autres, pour que de nouveaux discours circulent et que les vieux réflexes disparaissent, ça passe surtout par le fait qu’en prenant place et parole dans le champ social, tel qu’existants, et pas comme on aimerait qu’ils soient, les personnes autistes puissent se ré-accaparer le langage qui les nomme. Cette parole-là, avant tout et peut-être seulement, nous permettra de définir les abords professionnels futurs des difficultés rencontrées quand on est concerné par cette condition singulière qu’est l’autisme. 

En définitive, la véritable vision passéiste c’est celle qui impose ses vues sans doutes aucun, persuadé qu’elle détient la vérité, c’est celle qui ne laisse pas de chemins de traverses et de prise à la créativité, au jeu nécessaire pour que certains rouages restent mobiles. C’est celle qui cherche religion dans la science en oubliant qu’elle-même se sait fragile. C’est celle qui sait, mieux même parfois que les personnes concernés dans leur être, c’est celle qui refuse d’admettre qu’il n’y a pas de solution idéale ou de protocole à la complexe question du développement de l’être humain. C’est celle qui veut imposer au nom de la prise en compte des singularités une solution prête à porter là où seul le sur-mesure sied au sujet. 

Notes :

(1) Visible ici : https://www.youtube.com/watch?v=rC0XxyMH-9U

On devrait en faire un film

(2) https://www.huffingtonpost.fr/entry/hors-normes-une-vision-passeiste-de-lautisme_fr_5dad76c5e4b08cfcc31e7f7b

(3) C’est le cas de tous les films et séries cités parmi ceux manifestement à défendre, à l’exception de ’Presque comme les autres’.

(4) Grimage en noir pratiqué dans les minstrel shows où des comédiens blancs jouaient des personnages noirs.

(5) C’est Léo Kanner, psychiatre autrichien réfugié aux USA, qui, en 1943, décrivit les signes et symptômes catégorisant l’autisme infantile.

(6) https://www.ouest-france.fr/education/ecole/ecoles-privees-hors-contrat-six-questions-pour-comprendre-le-debat-5573831

(7) Laurent Mottron, L’autisme : une autre intelligence. Diagnostic, cognition et support des personnes autistes sans déficience intellectuelle, éd. Mardaga, 2004.

Article publié le 27 octobre 2019 sur le blog Mediapart d’Olivier Brisson. Reproduit ici avec son aimable autorisation.

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